Marie-Noelle Demay - Rédactice en chef

C'était lors d'une balade au parc, l’habituelle réunion de copains où nous nous livrons à notre occupation favorite : nous renifler l’arrière-train à gogo, courir sans raison les uns après les autres, faire mine de sprinter vers la nationale toute proche pour affoler un peu nos maîtres respectifs, et surtout japper sur nos vies de chiens. L’un de nous, Charlie, je crois, s’est plaint de sa nourriture. Sa maîtresse, adepte du sans-gluten, avait décidé d’y convertir ses pâtées. Tollé dans l’assemblée. Puisque l’heure était aux récriminations, un autre, Marlow, a renchéri sur les problèmes rencontrés dans les transports : le pauvre chéri s’était vu refuser l’accès à un taxi et en avait été des plus vexés. Un troisième nous confia que ses humains allaient divorcer et se disputaient sa garde. Les filles en rajoutèrent. Pépita, la plus fashion de toutes, regretta qu’on ne renouvelle pas ses accessoires – sacs, laisses et manteaux compris – selon les dernières tendances mode. Irka, elle, voulait comprendre pourquoi sa maîtresse s’acharnait à l’affubler de couettes sur le sommet de la tête, comme elle. Nemo a alors pris la parole. C’est un peu le chef de la bande : il est vieux il lui manque des dents et on ne comprend pas toujours ce qu’il dit, mais enfin on le respecte. « C’est un magazine spécialisé qu’il leur faudrait, à nos humains, a-t-il bavouillé. Des articles qui parlent de nous, qui leur permettent de mieux nous comprendre, nous soigner, nous nourrir, nous emmener en voyage… Une sorte de mode d’emploi instructif, sympa, rigolo et utile. » « Glamour aussi, avec des people et de belles photos », a renchéri Kiki from Paris, la star de la bande. Mandela, l’humaniste, a ajouté : « Et les chats ? On ne va tout de même pas faire de la discrimination, sinon gare au mouvement #MaToo. » Les avis divergeaient. On a voté. Va pour intégrer cette race mystérieuse qui passe son temps à se lécher les poils et à produire un son de réacteur nucléaire. Ne restait plus qu’à convaincre les humains. Colonel, le petit malin de la bande, nous a pistonnés : sa maîtresse est vétérinaire et bosse dans les médias. Le résultat ? Vous l’avez entre les mains. On a jappé, miaulé comme des fous pour leur donner des idées de sujets qui nous concernent et les éclairent. Car les humains, vous savez, sans nous, ils ne seraient rien du tout.